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2014-12-25 | Readers 2108 | Share with your Twitter followers Share on Facebook | PDF

La Suisse contre les minarets !


La Suisse contre les minarets !

Depuis le 29 novembre, à partir de 16 heures, la construction des minarets est interdite en Suisse, suite à un référendum d’initiative populaire visant à inscrire dans la constitution l’interdiction de construire des minarets. Les minarets sont-ils devenus si nombreux  au point d’empêcher les Suisses de voir le soleil ? Non ! Sur les 200 lieux de culte et de prière pour les Musulmans, il n’y a que 4 minarets en Suisse !

Tout a commencé en 2007 quand l’Union Démocratique du Centre (UDC, droite populiste suisse, devenue le plus grand parti avec plus de 30% des voix à force de coups d’éclat médiatiques empreints de populisme) a lancé l’initiative de recueillir, en coopération avec l'Union Démocratique Fédérale (UDF, droite évangéliste), les 100 000 signatures requises « contre la construction des minarets », au nom d’un « refus sans équivoque » d’une « islamisation de la Suisse ».

Le 8 juillet 2008, cette  l'Initiative Populaire "contre la construction des minarets" fut déposée avec plus de 113 500 voix et l'Assemblée fédérale la déclara valable pour être « soumise au vote du peuple et des cantons", par un arrêté fédéral qui stipula que la constitution serait modifiée suite aux résultats.

Dans un pays où l’on vote plusieurs fois par an et où l’art des affiches politiques provocatrices est une tradition, la machine est mise en route. Un matin d’octobre 2009, les Suisses ont la surprise de voir tous les murs des rues, des métros, des stations d’autobus des cantons suisses recouverts d’affiches représentant une femme complètement voilée par un burqa noir, d’où perce un regard menaçant, devant le drapeau suisse couvert de minarets, dont la silhouette évoque des missiles. L'UDC est habituée aux affiches de choc jouant sur les peurs des gens, pour faire parler d’elle et gagner de nouvelles voix aux élections.

Certaines villes, comme Bâle, Lausanne, Fribourg et Neuchâtel, cependant interdisent le placardage de cette affiche, jugeant le message discriminatoire et haineux et craignant pour la paix sociale. Au contraire, Zurich et Genève (bien qu’elle soit opposée à ce projet) ont estimé crucial de préserver la liberté d’opinion publique. De leur côté, le Conseil fédéral [le gouvernement suisse, ndlr] et l'Assemblée fédérale avaient mis en garde contre les conséquences négatives du texte sur la paix religieuse et sur les relations extérieures de la Suisse : "la tolérance religieuse est une longue tradition en Suisse" qui "regroupe les religions les plus diverses". Fait inhabituel, le gouvernement avait manifesté son opposition, le jour-même du dépôt du texte.

Etat des lieux

-400 000 Musulmans en Suisse

sur 7 millions d’habitants suisses

en grande majorité ayant la nationalité suisse, dont le quart d’origine turcs

-dont plus de 50 000 pratiquants

-200 lieux de culte et de prière

pour les Musulmans

-4 minarets (contre 20 en France, sur les 2000 lieux de culte).

En prétendant que "les minarets sont le signal de l'Islam conquérant" et, en faisant l’amalgame entre Islam – dont le minaret ne représente qu’un simple aspect architectural – atteinte aux droits de la femme et  terrorisme, l’Union populiste mène une campagne démagogique, alimentant les peurs déraisonnées de la population suisse à l’égard de l’Islam, devenu la seconde religion de l’Europe. D’autant que l’Islam – religion aux rituels ancrés dans la vie quotidienne, en termes d’alimentation, de prière, de tenue vestimentaire, etc.. –  est en train de se développer dans des pays marqués par une forte sécularisation et où la place de la religion jusque-là dominante – le christianisme – n’a jamais été aussi faible, avec ses églises désertées, et la perte de la foi.

Quatre heures après la fermeture des bureaux de vote, les résultats (57% des Suisses ont exprimé leur opposition à la construction de minarets dans leur pays, ainsi que la majorité des 26 cantons helvétiques) font l'effet d'une gifle qui « fait mal » aux Musulmans suisses. Car cette double majorité va entraîner la modification de l'article 72 de la Constitution suisse qui régit les relations entre l'Etat et les religions. L'interdiction de la construction de minarets y sera présentée comme une mesure «propre à maintenir la paix entre les membres des diverses communautés religieuses». C’est la consternation.

Ils étaient des milliers à descendre dans les rues de diverses villes suisses dont Genève, pour protester contre l’interdiction des minarets dans ce pays, au lendemain de cette nouvelle loi.

Ailleurs, des voix s’élèvent comme celles de certains députés européens - notamment les « Verts » - qui proposent de saisir la Cour européenne des droits de l'homme pour annuler cette votation. Ils sont soutenus par Daniel Cohn-Bendit qui dénonce : « Cette question des minarets est un piège. Un piège parfait. » « La démocratie directe ne doit pas être le prétexte pour s’en prendre à une communauté et la blesser. » D’autres, comme les radicaux, proposent de lancer une « contre-initiative », préférant privilégier les structures démocratiques du pays. Enfin, il y a ceux qui mettent en garde contre le danger de l’instrumentalisation des institutions démocratiques pour promouvoir une conception ethnique et haineuse.

Pour les Musulmans suisses, l’initiative de l’UDC avec à sa tête Oskar Freysinger, ne fait aucun doute : « Les minarets ne sont qu’un prétexte, ce sont les musulmans qui sont rejetés. Nous sommes désormais en liberté surveillée » a commenté l’ancien porte-parole de la mosquée de Genève Hafid Ouardiri. Et Gasmi Slaheddine, président de la Ligue musulmane du Tessin, de lancer un appel aux quelques 400 000 musulmans de Suisse, afin de fonder un parti islamique. «L'heure est venue de défendre nos droits, les droits d'une minorité qui sont bafoués», estime-t-il.

Mariam Hussein

www.lumieres-spirituelles.net     No8  -  Moharram 1431 – Janvier  2010


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