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2015-06-13 | Readers 2939 | Share with your Twitter followers Share on Facebook | PDF

Géopolitique du chiisme de François Thual


Géopolitique du chiisme

de François Thual

Arléa (sept. 1995 & réédité en format de poche en 2002)  155 pages

François Thual, conseiller du président du Sénat pour les affaires stratégiques, franc-maçon, Grand Maître national de la Grande Loge mondiale de Misraïm (GLMM) , depuis juin 2011, enseigne au Collège interarmées de défense (ex-Ecole de guerre) et à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes. Il consacre un court essai concis, pédagogique, sur ces quelque « 140 Millions » de shi‘ites (les duodécimains, mais aussi les diverses déviations considérées comme shi’ites même si les intéressés ne se considèrent pas comme tels, sur plus d’un Milliard de Musulmans, en se centrant sur les caractéristiques géopolitiques du shi’isme (territoire, particularités religieuses, politiques, culturelles, sociales et identitaires).

Sa thèse centrale est que la présence du shiisme au cœur de nombreux conflits de portée régionale ou internationale, en fait un acteur des relations internationales, que ce soit à l’intérieur de l’espace musulman ou à l’extérieur, dans les zones de contact avec d’autres religions, qui ne peut plus être négligé, le point de départ de sa prise de conscience étant la révolution islamique en Iran et la guerre civile libanaise..

Ce n’est donc pas une présentation de ce qu’est le shiisme, mais un essai pour jauger l’importance du phénomène religieux shi’ite dans ses implications internationales, globales, voire militaires et comprendre dans quelle mesure et dans quelles conditions le shi’isme pèse (ou non) en tant que facteur d’agrégation (ou de désagrégation), de stabilité (ou d’instabilité) au niveau national et régional.

Après un bref retour sur l’histoire, il examine successivement les particularités contemporaines du shi’isme dans les différents pays où il joue un rôle, en Iran bien sûr, mais aussi en Asie centrale et au Proche-Orient, en passant par le Golfe, sans oublier le sous-continent indien, même en étant minoritaire, même en étant opprimé.

L’auteur met en évidence certaines caractéristiques comme celles :

-d’avoir un poids démographique  dans certaines régions ;

-d’être « présent dans des zones hypersensibles du point de vue géopolitique » ; (« la zone du golfe Persique, qui renferme les ¾ des réserves pétrolifères mondiales, est peuplé à 70 % de chiites ») ;

-d’être « un facteur engendrant des postures conflictuelles ;

[Cependant aucune allusion n’est faite aux ingérences extérieures occidentales, ni aux agressions irakiennes en Iran, ni à l'occupation sioniste au sud du Liban et à l'invasion israélienne de ce pays en 1982, qui a provoqué la résistance de la population occupée majoritairement shi’ite.. alors que les évènements du 11 septembre 2001 sont mentionnés..] ;

-de ne pas craindre la modernité, même d’y voir un facteur de progrès accélérant la libération de l’homme et le retour de l’Imam caché, prélude au début d’un monde parfait ;

-d’être une religion de l’attente messianique, présentant un programme de lutte pour la justice sur cette terre, contre l’injustice, (en attendant son retour), qui lui confère un caractère universel, révolutionnaire et porteur d’espoir.

Cependant, pour examiner ce « phénomène nouveau » et comprendre la révolution islamique en Iran, il se réfère à la révolution bolchévique et aux mouvements communistes dans le monde.., mouvements connus pour leur athéisme et leur matérialisme.. Il utilise donc des outils d'analyse inadéquats qui l'amènent à des malentendus, voire des contre-sens malgré ses prétentions de modestie et de prudence.  Ainsi, il interprète « la pratique des majlis husseyniyyah » comme une manipulation et un « moyen de contrôle des populations », reprenant à son compte les vieilles thèses orientalistes.

A la fin, l’auteur fait un certain nombre de constatations ou suppositions  :

-Le shi’isme est « une composante nouvelle et durable des relations internationales et non pas un simple épiphénomène ».(p131)  Il met en garde contre un « big bang chiite »(p131) avec cependant des bémols.

-« L’antagonisme sunnite-chiite est profond, (..) un durcissement entre les deux parties étant à prévoir. » (pp132-133)

Une « internationale chiite » est impossible, serait rapidement condamnée à l’impuissance. »(p135)

-Cependant, il considère que le shi’isme iranien a « sanctuarisé » le chiisme duodécimain, la rupture historique de 1979 faisant date, sans trop développer ce point ici.(pp136-137)

En annexe, on peut trouver un schéma des lignées imamites, un index des dénominations chiites, une chronologie, des indications démographiques, une bibliographie et quelques cartes.

www.lumieres-spirituelles.net   N°73  - Ramadan & Shawwal 1436 – Juillet-Août  2015

 

 

Citations Géopolitique du chiisme de François Thual

†Les Shi'ites sont  « un facteur d’instabilité », « engendrant des postures conflictuelles » avec les Sunnites et avec les autres religions, employant le vocabulaire de ce registre : « agressivité » shi'ite anti-sunnite, « un réservoir d’idéaux individuels et collectifs capable de détonations violentes »(p29), « portant des logiques belliqueuses »(p127), « caractère explosif du chiisme au contact du sunnisme »(p133), « turbulence politique »(p132), « combattivité », « détonnant »(p15). Les pèlerins shi'ites au Hajj sont présentés comme « une source permanente d’inquiétudes en raison des désordres qu’ils peuvent faire naître ».

†Le shi’isme est « une composante nouvelle et durable des relations internationales et non pas un simple épiphénomène »,(p131)  mettant en garde contre un « big bang chiite »(p131). Cependant, « le chiisme, avec les années, peut évoluer de l'intérieur comme l'ont fait la plupart des religions. Il peut aussi, par l'usage du pouvoir politique, devenir moins radical au contact des réalités internationales. Mais de toute façon, il est devenu un acteur à part entière sur la scène mondiale. Continuer à l'ignorer ou à le méconnaître serait aller au-devant de lendemains difficiles. »

†« Les chiites du Liban sauront-ils tenir à distance leurs protecteurs naturels et voler de leurs propres ailes? Au contraire, les Syriens et les Iraniens empêcheront-ils toute autonomie trop poussée de leur protégé? De la réponse à cette question dépend la paix au Liban et l'équilibre du Moyen-Orient. » (p 132) dit-il pour conclure son chapitre sur le Liban.

†L'auteur insiste sur « la profondeur de l’antagonisme sunnite-chiite. Et rien n’indique qu’il puisse y avoir la moindre possibilité de rapprochement entre les deux. Même, il est à prévoir un durcissement des relations sunnites-chiites. »(pp132-133)

†Il note «l’absence d’œcuménisme chiite(p134), [en vue d’une unification de tous ces mouvements], « le chiisme restant une religion acentrée »(p135), « la plupart des communautés chiites poursuivant des objectifs égoïstes, le chiisme restant englué dans les fragmentation léguées par son long passé. »(p135)  D'où, selon lui, « l’impossibilité d’une « internationale chiite » qui serait rapidement condamnée à l’impuissance. »(p135)

†« Partout où ils sont, les chiites relèvent la tête, non seulement pour réclamer le respect de leurs droits mais aussi pour la propagation de leur vérité » et « on aurait tort de considérer cette volonté révolutionnaire et cette aspiration à être le porte-drapeau de la misère du monde comme un trait superficiel. Elle peut contenir, à terme, une force détonante redoutable. »(p137)

 

Qu'est-ce que la géopolitique ?selon François Thual

ŸQu'est la géopolitique ?« Elle n’est pas une science, au sens où il n’est pas possible de découvrir des liens de causalité suffisamment systématiques pour pouvoir prévoir ce qui va se passer. Les raisons d’un conflit sont toujours nombreuses et inédites. S’il fallait emprunter un concept à la science, ce serait celui de stochastique, ou celui de randomisation, pour introduire l’idée d’aléatoire.  » Elle est plutôt « une méthode d'analyse, une enquête, une école de modestie, une incitation à la prudence intellectuelle répondant à une volonté de réalisme à l'opposé du "prophétisme", une machine à casser les idéologies ».« Les déterminants géopolitiques peuvent permettre d’identifier des permanences historiques et tracer des lignes de force, mais elles ne peuvent suffire à prévoir avec certitude et précision le cours des événements à venir. En s’attachant à prendre en compte la pluralité des facteurs à l’origine des événements, la géopolitique est une fenêtre ouverte sur la complexité du monde. »

ŸA quoi peut-elle servir ?« A présenter plusieurs hypothèses d’évolution, quelles que soient les crises ou les situations analysées. »

ŸQuelle est la méthode employée ?« Elle est  à la fois simple et rigoureuse. » «Le géopoliticien, comme un médecin, mène un constat attentif et lance des hypothèses. Il n’utilise ni boule de cristal, ni pifomètre mais jette un coup d’œil sur le monde. »Tout repose, in fine, sur « sept questions à se poser : qui veut quoi, pourquoi, comment, avec qui contre qui, où, quand ? Une fois que l’on a répondu à ces éléments, on a 90 % des informations utiles pour comprendre les enjeux d’un conflit. Les 10 % qui restent sont indéterminés, c’est la place de l’événement, de l’aléatoire. »« C’est la marge d’incertitude avec laquelle on doit apprendre à vivre. »

www.lumieres-spirituelles.net   No73  - Ramadan & Shawwal 1436 – Juillet-Août  2015


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