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2017-11-15 | Readers 2857 | Share with your Twitter followers Share on Facebook | PDF

Entretien avec sheikh Akram al-Ka‘abî


Entretien avec sheikh

Akram al-Ka‘abî

A l’aube de la débâcle définitive des groupes terroristes takfiris (Daesh et autres) au Proche-Orient, et au moment où les grandes puissances ont lancé une campagne de dénigrement contre ceux qui les ont combattus, il a semblé important à la revue de présenter ceux qui ont réalisé cet exploit. Voici cette fois-ci un entretien avec le secrétaire général du Mouvement Nujabâ’ au sein du Hashed Sha‘bî (le Rassemblement Populaire)(1).

1-Comment expliquez-vous la rapidité inouïe du Hashed Sha‘bî (et du Nujabâ’) pour mettre fin à DAESH ?

Le début de la résistance était secret, le pouvoir irakien étant entre les mains des Etats-Unis quand ces derniers envahirent le pays en 2003. Ses opérations étaient ponctuelles jusqu’à prendre de l’expérience et profiter des enseignements des Iraniens et du Hezbollah libanais.

Elle mena alors des opérations militaires jusque dans les bases américaines et anglaises au point que ces derniers ne purent se déplacer en sécurité que sous une forte escorte terrestre et aérienne. Les médias, sous leur contrôle, n’en ont pas parlé alors.

La résistance avait même fait des prisonniers anglais et américains pour les échanger contre leurs cadres capturés par les forces occupantes.

Jusqu’au jour où les forces d’occupation durent se retirer de l’Irak fin 2011 (alors qu’ils avaient l’intention d’y rester) sans avoir réussi à imposer toutes leurs conditions.(2)

Mais les Etats Unis étaient toujours présents. Ils n’avaient pas seulement détruit le pays (toutes ses infrastructures), mais ils avaient gardé leur influence sur les plans politique, militaire, social, économique, culturel et moral. Ils continuaient leur politique de division (confessionnelle ou ethnique) et de corruption sous le couvert de la « mondialisation », de l’instauration d’un « Nouveau Moyen-Orient », et l’entité sioniste était présente à Erbil dans le Kurdistan grâce à Barazani.

Les forces aguerries de la résistance ne se faisaient aucune illusion sur leurs intentions quand ils offrirent leur aide au gouvernement irakien pour combattre Daesh.

D’ailleurs, quand Daesh attaqua Bagdad, les Etats Unis attendirent quatre mois avant d’intervenir, malgré l’accord qu’ils avaient établi avec le gouvernement irakien. Ce n’est que quand ils virent les victoires rapides réalisées par la résistance islamique irakienne qu’ils ont pris le train en marche, ont constitué une coalition internationale et qu’ils sont (r)entrés de façon directe dans le pays.

Dès le début, nous n’avons pas vu de rôle positif dans la présence des forces américaines. Partout où elles sont intervenues, c’était pour détruire de façon totale, sans oublier leurs bombardements des positions de l’armée et de la résistance populaire irakiennes ‘par erreur’ et l’organisation de la fuite des cadres de Daesh !

C’est pourquoi, nous, le Hashed Sha‘bî, nous refusons la participation des forces américaines dans les combats que nous menons.

Et vous pouvez voir la différence entre la ville de Tikrit principalement libérée par les forces irakiennes dont le Hashed Sha‘bî et la ville de Ramadieh libérée par l’armée irakienne avec une couverture aérienne américaine. La seconde ville est totalement détruite.

Si les Etats-Unis, au nom de la coalition, avaient parlé de dix ans pour libérer la région de Daesh, c’était le temps qu’ils s’étaient donné pour détruire totalement le pays. Mais quand ils ont vu la population locale agir rapidement, ils sont directement intervenus, même sans l’aval du gouvernement irakien. En fait, pour retarder la libération de la région en question, comme pour Tikrit.

2-Le combat contre un ennemi travesti en «musulman croyant» a-t-il modifié les formes de lutte ?

En fait, la présence de Da‘esh a facilité l’unification du pays, parce qu’ils se sont attaqués à tous ceux qui n’étaient pas comme eux ou avec eux. Aussi, personne n’a été épargnée dans le pays, pas même les sunnites !

C’est pourquoi tout le monde s’est retrouvé dans le « Hashed Sha‘bî » où toutes les différentes confessions, ethnies et même tribus ont trouvé leur place pour combattre dans leur région ces terroristes de Daesh travestis en « musulmans croyants », qui avaient profité de leurs divisions pour prendre le contrôle de la région.

Même si la majorité de Hashed Sha‘bî est d’une confession déterminée, Hashed Sha‘bî représente toutes les composantes de la société irakienne avec une proportion réelle du peuple irakien. Tous sont présents dans le Hashed Sha‘bî, même les chrétiens et les autres minorités, et tous ont combattu ensemble, réunis sous un même drapeau, celui de l’Irak.

3-Quelles sont les relations du Hashed Sha‘bî avec le gouvernement irakien ?

Le Hashed Sha‘bî est une des institutions militaires de l’Etat irakien, aux côtés de l’armée irakienne, légal, reconnu par un décret officiel. Tout ce qui est dit contre lui à l’intérieur ou à l’extérieur n’a aucune valeur. Ses relations avec le gouvernement irakien sont bonnes. Cela ne veut pas dire qu’il faut que nous soyons d’accord dans tous les détails.

Par exemple, nous (les Nujabâ’) nous sommes un détachement important de Hashed Sha‘bî, qui a participé à sa fondation. Nous avons défendu Bagdad et empêché que la ville ne tombe entre les mains de Daesh parce que pour nous, c’était une nécessité de défendre le gouvernement irakien ainsi que les lieux saints.

Mais nous divergeons avec lui sur divers points, notamment sur la façon de se comporter avec les Etats-Unis et ses vassaux comme l’Arabie Saoudite. Nous voyons que les Etats-Unis ont détruit l’Irak, qu’ils sont derrière l’im-plantation et le développement de Daesh dans le pays, derrière le conflit avec Barazani, derrière.. Les Etats Unis ne veulent pas le bien de l’Irak et nous pensons que l’Irak doit prendre position par rapport aux forces américaines.

4-Jusqu’à quel point Daesh s’est affaibli, au point de parler de quelques jours pour y mettre fin ?

En ce qui concerne Kirkouk, ce sont les nobles forces kurdes patriotiques qui ont mis en échec le complot [d’un Kurdistan indépendant] de Barazani, qui voulait profiter des circonstances pour prendre le contrôle des Kurdes et occuper des territoires dont ceux riches en pétrole.

Ce sont elles qui ont rétabli l’autorité irakienne dans les limites d’avant 2003 et refusé la division de l’Irak et l’entrée de l’entité sioniste.

Aujourd’hui, les deux villes Qâ’em et Rawâ, situées à la frontière avec la Syrie, dans la partie occidentale d’al-Anbar, sont totalement encerclées. Seul, le mauvais temps (une tempête de sable) a retardé leur chute.

La plupart des éléments de Daesh ont fui cette région et les habitants sont très coopératifs avec nos forces, ce qui facilite les choses. Grâce à la coordination syro-irakienne, le projet américain de division à la frontière syro-irakienne a échoué.

5-Où sont partis les terroristes de Daesh, autres que ceux qui ont été tués, blessés ou capturés ?

En Irak, chaque région a ses particularités. Mais, en général, les terroristes de Daesh se réfugient dans la ville qui se situe derrière le lieu de combat. Parfois, s’ils sont irakiens, ils se glissent parmi les déplacés (surtout quand on voit comment le Hashed Sha‘bî se comporte avec les déplacés).

A Mossul, les forces américaines et kurdes de Barazani ont eu un rôle fondamental dans la fuite des cadres et des éléments de Daesh. Il y a des vidéos qui prouvent cela. Les Peshmergas de Barazani leur ont assuré le déplacement à Erbil (dans le Kurdistan), puis, là-bas, le choix entre retourner chez eux ou rejoindre d’autres fronts de combat.

Il ne faut pas oublier que la plupart des cadres et des éléments de Daesh venant du monde entier sont entrés en Syrie et en Irak par la Turquie, utilisant aussi les aéroports turcs, sous les yeux des services de renseignement turc, et avec même l’accord de certaines personnes du renseignement turc. Aussi, c’est normal qu’ils essaient d’y retourner puisque c’est par là qu’ils sont entrés dans la région.

Mais, bien sûr, la plupart des Arabes et des étrangers ont été transférés en Afghanistan selon un plan

américain. Cela est dangereux. Les Américains veulent « geler » Daesh dans cette région pour qu’ils ne soient pas totalement liquidés. Il est possible qu’ils les fassent revenir en Syrie, en Irak ou dans n’importe quel autre pays.

6-Après l’échec de leur complot, que vont faire les forces américaines ?

lHashed Sha‘bî a mis en échec le projet américain en Irak, c’est pourquoi les Etats-Unis essayent de détruire l’image du Hashed Sha‘bî et d’empêcher, par tous les moyens, son entrée ou son maintien dans le parlement. Mais ils n’ont pas réussi et ne réussiront pas, parce que le peuple irakien est derrière le Hashed Sha‘bî. Ce dernier représente aujourd’hui l’Irak, le peuple irakien. Il est une institution militaire reconnue de l’Etat irakien.lEn même temps, les Américains tentent de créer un autre rassemblement, celui de tribus (le « Hashed al-Ashâ’iri ») avec l’aide de l’Arabie Saoudite dans le sud et de Barazani dans le nord, après l’échec de Daesh. Ils ont volontairement employé le terme de « hashed » pour semer la confusion.  Les éléments de ce rassemblement sont formés et entrainés par eux, comme ils l’ont fait en Syrie avec le « Mouvement Démocratique Syrien », leur faisant des promesses qu’ils ne respecteront pas par la suite.

lIls essayent d’inculquer une nouvelle conception du « patriotisme » basée sur le fanatisme (contre l’Iran et les Iraniens pour les Arabes ou contre les Arabes pour les Kurdes) et sur l’alliance avec les forces américaines et israéliennes. Certes, on peut trouver de jeunes kurdes suivant Barazani, convaincus que leurs ennemis sont les Arabes. Mais Barazani sait très bien que c’est nous qui avons combattu Saddam Hussein avec les Kurdes alors que lui était avec Saddam Hussein contre son propre peuple.

lIls tentent de revenir (ou de rester) dans le pays, avec leurs alliés comme l’Arabie Saoudite, dans le cadre de sa « reconstruction ». On peut voir que, malgré le renvoi de l’ambassadeur saoudien al-Sabhan (qui menait ouvertement un travail de renseignement et de division dans le pays), l’Arabie Saoudite s’est entêtée à rétablir les relations avec l’Irak en vue de faire entrer ses sociétés économiques, commerciales et culturelles.

Malheureusement, ils agissent avec l’accord du gouvernement irakien et de certaines forces politiques locales. Or le gouvernement saoudien est un outil entre les mains des Etats-Unis d’autant plus dangereux que son service de renseignement est imbriqué dans ceux américain et israélien.

7-Au mois d’avril prochain, devront se tenir des élections en Irak. Quel va être le rôle du Hashed Sha‘bî dans ce cadre ? Présentera-t-il des candidats régionaux ?

Hashed Sha‘bî est une institution militaire et il est inscrit dans la constitution irakienne que si des personnalités militaires veulent se présenter aux élections, elles doivent démissionner. Le Hashed Sha‘bî va rester une institution militaire de l’Etat. Cela n’empêche pas que les partis qui ont un rôle dans le Hashed Sha‘bî vont entrer dans les élections dans le cadre d’une alliance unique.

Quant à nous, le mouvement an- Nujabâ’, nous avons pris la décision de ne pas participer directement aux élections à l’étape actuelle, pour différentes raisons. Certes, nous allons soutenir l’alliance issue de Hashed Sha‘bî, nous allons encourager le peuple irakien à y participer activement, mais elles ne constituent pas en ce moment notre priorité.

Pour nous, après avoir mené le « jihad al-asghar » (le plus petit combat), il nous faut mener le « jihad al-akbar » (le combat le plus grand) [pour reprendre l’expression du Messager de Dieu(s)], dans les grandes institutions du mouvement, pour répandre et ancrer les idées culturelles et la méthode de pensée islamiques dans la société irakienne, et contrecarrer l’offensive culturelle occidentale.

En tant que force militaire, nous restons prêts à intervenir à n’importe quelle agression militaire.

Mais, après avoir réglé la question sur le plan militaire puis sur celui sécuritaire, il nous faut élever le niveau idéologique, culturel, intellectuel, moral, spirituel, combattre l’influence américaine (et ne plus avoir affaire avec eux), pour arriver à une réelle stabilité dans le pays.

(1)cf.L.S. No84. L’entretien a été mené fin octobre 2017.

(2)cf.L.S. No33.

www.lumieres-spirituelles.net N°88 - Rabî ' I et II 1439 - Décembre-Janvier 2018


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