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2018-01-14 | Readers 3028 | Share with your Twitter followers Share on Facebook | PDF

Qui est cette chercheuse française enterrée à Wadi Salam ?


Qui est cette éminente chercheuse française

qui a demandé à être enterrée à Wadi Salam ?(1)

Marie Pierre Walquemanne (alias Mariam Abou Zahab(2)), une chercheuse française renommée, devint mondialement connue après l’invasion américaine de l’Afghanistan en 2001, pour ses connaissances approfondies de l’Afghanistan et du Pakistan.

Sa démarche, sans doute motivée, au début de sa vie, comme pour beaucoup d’orientalistes, par la curiosité, était fondée sur la volonté, la recherche et la passion pour un peuple (ou des peuples), un pays (ou des pays), une région ou même une religion, puis sur son désir de transmettre ce qu’elle voyait et faire entendre la voix des peuples de cette région.

Mais ce qui fait sa particularité et toute sa valeur fut que cette passion, cette sincérité et sa modestie aboutirent à sa conversion à l’Islam, et même au shi‘isme, très tôt dans sa vie (à une époque où seuls quelques orientalistes commençaient à découvrir le shi‘isme (grâce à H. Corbin), des années avant la victoire de la Révolution Islamique en Iran), et à la permanence dans ses croyances jusqu’à sa mort(3).

Née à Hon-Hergies, dans le nord de la France, à la frontière franco-belge, le 7 février 1952 dans une famille de marbriers, elle se rendit à Paris où elle mena de brillantes études de sciences politiques à Sciences PO (jusqu’au doctorat) et apprit des langues orientales à l’Institut National des langues orientales.

Rapidement, elle se mit à parler l’arabe, le persan, l’ourdou, l’indi, le punjabi.. Ce qui l’encouragea à mener des études de terrain dans ces régions, en Inde, en Afghanistan et au Pakistan. Elle commença à travailler sur ce dernier (le parent pauvre de la recherche académique française).

Puis, dans les années 80, elle se rendit en Afghanistan, après l’invasion soviétique (12-1979), du côté de Kandahar.

Se mélangeant à la population locale, n’hésitant pas à porter les tenues locales, parcourant les montagnes par tous les moyens, en moto, à pied, à dos d’âne, en dromadaire s’il le fallait, elle y mena des études et des recherches, acquérant ainsi un immense savoir sur la région.

Elle y faisait également un travail d’information sur la situation, dénonçant notamment les discriminations et l’oppression que subissaient (et continuent de subir) les Shi‘ites en Afghanistan et au Pakistan. (On lui reprochera cependant ses sympathies pour les chefs de guerre pashtouns, alors que l’Occident avait opté pour les Tadjiks et Ahmed Shah Massoud, et sa bienveillance pour les Talibans au début de leur apparition.)

Durant cette même période, elle aurait soutenu des initiatives de l’OLP de « négociations de paix » avec l’entité sioniste(4) et aurait travaillé avec les Affaires Etrangères.

Sa brillante carrière d’enseignante à Sciences PO et à l’INALCO, de chercheuse au CERI(5) à Paris, de collaboratrice au CEMOTI(6) sur les questions liées à l’Afghanistan et au Pakistan, et d’experte auprès du tribunal de Paris, ne l’empêcha pas de rester une femme de terrain en Afghanistan et au Pakistan et de participer à des missions humanitaires pour le compte d’une ONG française AFRANE(7).

Humaniste dans l’âme, son principal combat fut en faveur du droit à l’éducation et à la culture pour les femmes dans ces deux pays. Elle fit de nombreuses interventions dans ce sens partout dans le monde.

Elle eut également l’occasion de visiter les lieux saints shi‘ites en Irak et en Iran et de rencontrer des savants religieux.

Elle rédigea de nombreux livres(8), notamment sur l’Afghanistan et le Pakistan.

Certes, elle ne parlait pas de sa religion ni ne portait le voile (sauf quand elle se rendait dans les lieux saints), mais elle ne cachait pas ses convictions, portant toujours un misbaha (chapelet) dans la main et se comportant de façon exemplaire, avec modestie, sincérité, simplicité et compétence, selon le témoignage de ses étudiants.

Mariam Abou Zahab (Marie-Pierre Walquemanne) rendit l’âme à Paris, le 1er novembre 2017, à l’âge de 65 ans, après une longue bataille contre la maladie qui finit par l’emporter.

Elle fut enterrée le 8 novembre dans le fameux cimetière de Wadi as-Salâm à Najaf, sur la voie des ‘zouwars’ vers Karbalâ’, au pilier 72, comme elle l’avait demandé, désirant jusqu’au dernier moment participer à cette marche de ‘arba‘în’. Sa dépouille arriva à Najaf en même temps que les ‘zouwars’..

Elle légua tous ses biens à des associations de bienfaisance travaillant en Afghanistan et au Pakistan.

(1)Nous remercions tous ceux et celles qui nous ont aidés à rassembler des informations sur elle. - (2)Du nom de son mari syrien qu’elle épousa en 1976 et dont elle se sépara en 1983, sans avoir eu d’enfant de lui. - (3)Les conditions de sa conversion restent vagues. Il semblerait que ce soit à l’occasion de voyages en Inde au début des années 70 – comme cela était la mode à cette époque – qu’elle fit la connaissance de la communauté shi‘ite de Lucknow, s’attacha à elle, découvrit le shi‘isme duodécimain et s’y convertit. - (4)avec Issam Sartaoui (qui sera assassiné en 1983) - (5)Centre d’Etudes et de Recherches Internationales - (6)Cahiers d’études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien - (7)Amitié Franco-Afghane, association de la loi 1901 d’aide humanitaire en Afghanistan. Son intervention fut surtout au niveau de l’éducation de la jeunesse afghane. - (8)comme « Réseaux islamiques : la Connexion afghano-pakistanaise » avec Olivier Roy, coll. « CERI-Autrement », Éditions Autrement, 2002. Elle s’était également intéressée à une étude comparative sur les cérémonies de ‘Ashûrâ’ telles pratiquées par les Shi‘ites en Iran, en Irak, en Inde et au Pakistan.

www.lumieres-spirituelles.net N°89 - Jumâdî' I et II 1439 - Février-Mars 2018


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