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2021-03-14 | Readers 1649 | Share with your Twitter followers Share on Facebook | PDF

Patañjali et la ‘méditation’ (300 avJC-500 apJC)


Patañjali et la ‘méditation’

(300 avJC-500 apJC)

Patañjali (devanâgarî) est un nom célèbre dans l'histoire intellectuelle du monde indien, indiquant aussi bien un grammairien de 200 ans avJ.C. environ, qu’un compilateur réel (ou mythique) du recueil classique des (Yoga Sûtra) situé entre l'an 300 av. J.-C. et l'an 500 apr. J.-C.. C’est le second qui nous intéresse, s’il se distingue du premier.

Qui étaitPatañjali ?

En fait, il n’y a aucune certitude quant à sa vie. Certains le présentent comme le premier codificateur du Yoga, alors que d’autres lui contestent ce titre. Sa date d’existence est également imprécise. Et ce flou s’explique par la règle de l’anonymat qui était une des caractéristiques des sages de l’Inde ancienne, estimant que leur enseignement était le résultat d’un effort collectif déployé sur plusieurs siècles. Ne faisant que compiler le savoir de leur temps, ils refusaient de s’en attribuer le mérite. Patanjali ne serait donc pas l’auteur à proprement parler des Yoga-Sutra, mais un de leurs compilateurs(1).

Quoiqu’il en soit, son travail de compilation et d’analyse des principes éthiques et des techniques psycho-physiques sous forme de résumés philosophiques précis (nécessitant un commentaire pour les non-initiés) représente un des écrits hindous majeurs servant de base à ce qui est appelé le yoga royal (râja yoga ou Union royale) et une des six écoles de la philosophie hindoue. Considéré comme la base du système philosophique appelé aussi sâmkhya-yoga (en raison de sa connexion intime avec le point de vue (ou méthode) appelé (sâmkhya)), il a eu et a toujours une grande influence sur la philosophie et la pratique du yoga, le codifiant en quelque sorte. Et il est très prisé à l’heure actuelle en Occident.

Quant à Patañjali lui-même, certaines légendes disent qu’il serait l’incarnation du serpent primordial (Âdinâga ou Ananta ou d’Ādiśesa) ou du serpent aux 1000 têtes (Shesha), envoyé sur terre par la divinité Shiva pour apprendre puis transmettre le yoga. C’est pourquoi Patanjali est traditionnellement représenté comme une créature mi-homme mi-serpent, rappelant son origine mythique.

Que représente le Yoga sūtra (ou Union royale) de Patañjali ?

Il est un recueil de 195 aphorismes (sûtra(2)) – des phrases brèves, laconiques, destinées à être facilement mémorisées – comprenant 1161 mots, organisé en 4 chapitres :

1-(Samadhi Pada) qui expose ce qu’est le yoga, les problèmes rencontrés par le pratiquant du yoga et leurs solutions ;

2-(Sadhanai Pada) qui indique comment développer l’attention en nous donnant des propositions concrètes de pratiques ;

3-(Vibhuti Pada) qui propose des objets de méditation concrets et expose les effets de la pratique de la concentration et de la contemplation ;

4-(Kaivalya Pada) le dernier chapitre, qui dévoile le vrai objectif du Yoga : l'autonomie intégrale, la véritable liberté, acquise par le yogi qui a dompté son mental et atteint une clarté intérieure inébranlable.

Les quatre chapitres de ce traité proposent une méthode, avec des moyens et des outils, pour aider à voir plus clair au niveau de son mental pensant et de ses émotions, acquérir de nouvelles capacités de méditation et goûter peu à peu à une autonomie individuelle paisible, chacune des réflexions nourrissant une autre. C’est que le yoga ne se résume pas à des postures et techniques de respiration.

Ce recueil expose les huit étapes successives qui visent à équilibrer l’être humain à travers un cheminement qui va de l’extérieur vers l’intérieur :

1-(Yama) : 5 règles morales sur la façon de se comporter avec les autres :

a-la non-violence, la non-nuisance envers soi et les autres, en pensées, en actes, et en paroles (Ahimsa) ;

b-la sincérité, ne pas mentir, dire la vérité (satya) ;

c-l’honnêteté, la non convoitise (Asteya) ;

d-l’abstinence, la continence (la satisfaction de ses besoins sexuels de façon saine et épanouissante afin de contrôler la dispersion de l’énergie) (Brahmacarya)  ;

e-la non-possession, le détachement des biens matériels, ne pas accumuler, être généreux (absence d’avidité, d’avarice) (Aparigraha).

2-(Nyama) : 5 règles mentales et spirituelles sur comment se comporter avec soi-même :

a-la pureté, propreté, physique (intérieure avec une bonne alimentation et extérieure) et mentale (par les pensées) (saucha) ;

b-le contentement (accepter ce que l’on est, ce que l’on a, ce qui arrive dans la vie) (santosha) ;

c-l’ascèse, la discipline dans une pratique physique ou sport (tapas) ;

d-l’étude et la connaissance de soi par la lecture de textes sacrés et la mise en pratique des enseignements (swadhyaya) ;

e-la dévotion, l’union avec (ishwara) (divinité personnelle) (s’en remettre à la divinité) (ishwara-pranidhana).

3-(Asana) : les techniques posturales permettant l’arrêt des fluctuations du mental et la maîtrise de son corps et de ses énergies, la posture devant être stable, immobile et confortable ;

4-(Pranayama) : techniques respiratoires permettant l’arrêt des perturbations de la respiration qui affectent le mental ;

5-(Prathyara) : pratique du retrait des sens par la fermeture des organes sensoriels, en se concentrant par exemple sur le souffle, les yeux fermés, le mental fixé sur des sons ;

6-(Dhâranâ) : la concentration en focalisant et en maintenant son attention sur un seul point (le souffle, la flamme d’une bougie), sans bouger ;

7-(Dhypana) : la ‘méditation’(3) (c’est-à-dire pratiquer l’étape précédente (Dhâranâ) sans effort pendant plusieurs minutes) ;

(Patañjali compare la ‘méditation’ au sommeil sans rêve, sauf que la personne reste consciente) ;

8-(Samadhi) : l’éveil, la béatitude absolue, la joie intérieure indestructible, l’état de conscience pure, cosmique. Très difficile à atteindre et à décrire..

(1)Selon la critique textuelle moderne, Patañjali serait le nom de plusieurs auteurs différents (certains parlant même d’une lignée de 14 Patañjali) du fait que la rédaction des textes semble s'échelonner sur plusieurs siècles (du IIe siècle av. J.-C. au IVe siècle apr. J.-C.) et qu’ils ne présentent pas une unité de style, Cependant, l'étude du corps, de la parole et de l'esprit sont complémentaires et représentent un effort pour comprendre l'homme dans sa totalité.

(2)Le mot (sûtra) signifie cordon, fil, ceinture, ici, le fil conducteur d’un raisonnement, d’un exposé. Chaque Sutra est relié aux autres tout en apportant son propre reflet à la réflexion, comme un collier de perles, chaque perle brillant par elle-même, formant avec les autres un collier de toute beauté.

(3)Le mot « méditation » en français (dans le sens de « réflexion approfondie ») correspond-il bien au mot employé dans la langue originale ? Si oui, quelles sont les règles de réflexion de cette ‘méditation’ ? Quel est le rôle de la raison ? Si elle en a un, jusqu’à quelles limites ?

www.lumieres-spirituelles.net     No108 – Rajab-Sha‘bân 1442 – Fév.-Mars-Avril. 2021


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