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2019-04-30 | Readers 2320 | Share with your Twitter followers Share on Facebook | PDF

Massignon grand orientaliste français du XXe siècle


Massignon grand orientaliste français

du XXe siècle (1883-1962)

Massignon fait partie de ces intellectuels occidentaux pour qui la rencontre avec l’Islam a renforcé leur foi chrétienne, ou plutôt a fait découvrir une dimension mystique de leur foi, chacun à sa façon, sans toutefois leur faire faire le saut vers le perfectionnement de leur foi dans l’Islam. Sans doute reflet de leur époque.

Né dans une famille dont le père prônait le scientisme laïc et la mère la fidélité aux traditions catholiques, il perd la foi très jeune. Ses études de langue et de littérature arabes vont l’amener à voyager dans les pays arabes et lui faire découvrir Charles de Foucault(1) (avec qui il aura une profonde relation à partir de 1909 jusqu’à la mort de ce dernier en 1917) et surtout le grand mystique musulman al-Hallâj (~858-922) (qui deviendra l’objet majeur de sa carrière savante – sujet de sa thèse et de nombreuses allocutions – et un repère-clé pour sa propre spiritualité). Après des déboires (sexuels en Egypte, existentiels en Irak, où il fait une tentative de suicide), il connait, le 3 mai 1908, sa première expérience mystique radicale qui aboutira à sa « re-conversion » au catholicisme et qu’il transcrira plus tard sous le titre de « La visitation de l’Etranger ».

Tout en menant une vie sociale (mariage en 1914), politique (participation à la rédaction de l’accord Clémenceau-Faysal (1920)) et intellectuelle (professeur au collège de France (1926)) de son époque, il inaugure des initiatives spirituelles particulières comme la pratique quotidienne des trois angélus pour les juifs, les musulmans et les homosexuels (1920), la mise en place d’équipes sociales nord-africaines et la diffusion d’écrits mystiques orientaux (ainsi il remet à Corbin son exemplaire du Kitâb al-ishrâq de Suhrawardi (1929)).

Il s’agissait pour lui de trouver une relation primordiale avec le monde arabo-musulman en dehors du rapport de force colonial ou post colonial. Pour cela, il fallait d’abord connaître l’Islam. Il préconise une méthodologie qu’il qualifie d’« intérioriste » : chercher à connaître, comprendre, étudier l’Islam de l’intérieur, à l’habiter plutôt que de l’observer de l’extérieur en l’objectivant comme le fait la science occidentale, sans cependant ignorer que cet objet [d’étude] est autre [c’est-à-dire sans y adhérer]. C’est-à-dire sans y adhérer.Il s’agit de pénétrer son étrangeté et sa proximité, en découvrir ses plus hautes valeurs, sa mystique, puis de comparer les deux religions au même niveau, sans opposer l'idéal chrétien au comportement des musulmans. Ce regard qu’il porta sur l’Islam lui renvoya un nouveau regard sur lui-même qui lui permit d’épurer sa propre foi « des traces d’idolâtries ». Il disait que c’était par al-Ḥallâj qu’il avait retrouvé le chemin de l’Église. Il croyait en la possibilité de cette fraternité (qui impliquait, selon lui, le rejet des Européens de leur domination et de leur racisme, et le non engagement des Algériens dans « les idéologies de libération nationale »).

En même temps, il fonda en 1934 avec Mary Kahil (issue d'une grande famille grecque-catholique égyptienne) la Badaliya (du mot arabe signifiant « remplacement », pour désigner l'attitude qui consiste à se mettre à la place de l'autre, à donner sa vie, à s’offrir pour ses frères en Islam, idée qu’il tiendra de Charles de Foucault) : une sorte de confrérie de prières (une « sodalité de prière ») dans l’esprit de substitution mystique avec les âmes musulmanes dont l'amour selon lui fait défaut à la personne du Christ. Les Musulmans n'admettent pas la crucifixion du Christ ? Il ne s’agit pas de les convaincre ni de les convertir mais de s’offrir en "substitués" à leur place, en "payant leur rançon" auprès du Christ, en « vivant la croix » à leur place. En 1949, il passera du rite latin au rite grec-catholique avec l’autorisation du pape Pie XII et il se fera ordonné prêtre catholique dans le rite melkite, au Caire, en l'église Sainte-Marie de la Paix, bien que marié, l’année suivante. Il fut et resta catholique romain jusqu’à sa mort.

 » Il croyait que l’Esprit souffle où il veut et qu’Isma‘ïl, le monde prophétique de Mohammed, est une expression authentique de ce souffle de l’Esprit saint. Aussi reprochait-il ouvertement aux Chrétiens « leur attitude de mépris à l'égard de Mohammed", un homme qui ne s'est pas "déifié", qui a "transmis avec sincérité et authenticité" un message de l'au-delà. Et il voyait dans la langue arabe une langue qui avait « le privilège inouï d’être la dernière "langue liturgique" dans laquelle Dieu s'est adressé aux hommes".  Aussi Massignon se mit-il à chercher des racines communes, l’Abrahamisme par exemple, qui devaient aboutir à une réconciliation des trois religions à Jérusalem. (Aussi s’opposa-t-il farouchement, publiquement à la proclamation de l’entité sioniste le 14 mai 1948, qui entrainait de fait le partage de la Palestine et des Lieux saints, contraire à sa lecture mystique de l’histoire.)

Il établit des correspondances spirituelles entre s. Marie(p) et s. Fâtimah(p) (La Mubâhala de Médine et l’hyperdulie de Fatima), entre la légende des sept dormants d’Ephèse et les Gens de la Caverne(2) (Les Sept Dormants, Apocalypse de l’islam 1950). En 1951, il fit le pèlerinage à Ephèse pour visiter la demeure de s. Marie(p) et un des lieux supposés des gens de la caverne et en 1954 il fonda le pèlerinage islamo-chrétien des Sept Dormants en Bretagne(3) «pour une Paix sereine en Algérie» qu’il effectuera chaque année jusqu’à sa mort en 1962, la nuit de la Toussaint.

Il écrivait en 1949 : « Les chrétiens, que viennent-ils faire en Palestine ? Nous sommes ceux pour qui Abraham a offert un sacrifice, le sacrifice de son fils pour les Gentils. Il a prié pour nous, il s’est engagé par un certain pacte ; invoquer ce patriarche est peut-être la seule solution, non seulement du problème de la justice en Terre sainte, mais de la paix et de la justice dans le monde. Cet homme de ‘tous les commencements’ est aussi l’homme de tous les achèvements parce que Dieu ne change pas, il continue les mêmes moyens » que sont la prière, le jeûne, l’aumône et le pèlerinage, et surtout le sacrifice, car « celui d’Isaac s’est trouvé réalisé par le Christ ».

(1)cf.L.S. No18 – (2)cf. L.S. No86 et les No84 &92 – (3)cf. L.S. No21

www.lumieres-spirituelles.net N°97 - Ramadan-Shawwal 1440 - Mai-Juin 2019


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