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Réflexions sur le sermon 80 du Nahj al-Balâgha (3)
Réflexions sur le sermon 80 du Nahj al-Balâgha (3)
Intitulé « Après la bataille d’al-Jamal – du blâme des femmes »
Nous avons vu les dernières fois, 1-la traduction du sermon avec son étude lexicale, 2-un rappel des circonstances de la tenue d’un tel sermon public et 3-un premier commentaire (selon l’apparence), 4-les principales sources rapportant ce sermon, 5-sa confrontation avec le noble Coran et la tradition prophétique et 6-l’attitude à avoir vis-à-vis de ce sermon. Voici, cette fois-ci, le début 7-d’une étude un peu plus approfondie de ce sermon.
« Rassemblements de gens !
Les femmes ont des manques au niveau de la foi, des manques au niveau des parts, des manques au niveau des raisons. Quant au manque au niveau de leur foi :le fait d’être assises loin de la prière et du jeûne [de s’arrêter de prier et de jeûner]pendant les jours de leurs menstrues. Quant au manque au niveau de leurs raisons :le fait que le témoignage de deux femmes équivaut à celui d’un homme. Quant au manque au niveau de leurs parts : le fait que leurs parts d’héritage sont selon la moitié de cellesdes hommes.
Alors craignez les mauvaises femmes et soyez sur vos gardes avec les bonnes d’entre elles, et ne leur obéissez pas dans ce qui est convenable pour qu’elles ne convoitent pas dans le blâmable. » (Khutbah 80 pp180-181)
مَعَاشِرَ النَّاسِ، إِنَّ النِّسَاءَ نَوَاقِصُ الإيمَانِ، نَوَاقِصُ الْحُظُوظِ، نَوَاقِصُ الْعُقُولِ: فَأَمَّا نُقْصَانُ إِيمَانِهِنَّ فَقُعُودُهُنَّ عَنِ الصَّلاةِ وَالصِّيَامِ فِي أَيَّامِ حَيْضِهِنَّ، وَأَمَّا نُقْصَانُ عُقُولِهِنَّ فَشَهَادَةُ امْرَأَتَيْنِ مِنْهُنّ كَشَهَادَةِ الرَّجُلِ الْوَاحِدِ، وَأَمَّا نُقْصَانُ حُظُوظِهِنَّ فَمَوَارِيثُهُنَّ عَلَى الأنْصَافِ مِنْ مَوارِيثِ الرِّجَالِ;
فَاتَّقُوا شِرَارَ النِّسَاءِ، وَكُونُوا مِنْ خِيَارِهِنَّ عَلَى حَذَر، وَلاَ تُطِيعُوهُنَّ فِي المَعْرُوفِ حَتَّى لاَ يَطْمَعْنَ فِي المُنكَرِ.
7-Etude un peu plus approfondie de ce sermon
Le sermon peut être divisé en deux parties principales : la première qui comprend les trois affirmations et leur justification ; la seconde celle des trois mises en garde.
1-A propos des trois affirmations et leurs justifications
Nous ne discuterons donc pas des arguments donnés pour justifier ces affirmations puisqu’ils proviennent de sources sûres – qu’aucun Musulman ne remet en question (le noble Coran) – et étant clairs en eux-mêmes, ne prêtant pas à diverses interprétations. Nous rappelons seulement le constat qui avait été fait précédemment : qu’ils renvoient à des actes (ou pratiques), liés à ce monde ici-bas (ad-dunia).
Par contre, nous allons essayer de comprendre à quoi correspondent ces affirmations. Et nous allons même nous demander si de telles déductions à partir de ces justifications peuvent être (ou non) fondées, si oui, en quoi et dans quelles circonstances.
a)A propos de l’affirmation du manque des femmes au niveau de la foi (ou religion)
La justification mise en avant est que les femmes ne peuvent pas prier en moyenne une semaine (entre 3 à 10 jours) par mois, durant environ 35 ans de leur vie et qu’elles ne peuvent pas jeûner tout le mois de Ramadan durant cette même période de la vie (en sachant que ces jours de jeûne qui n’ont pas pu être effectués à temps doivent être rattrapés avant le mois de Ramadan de l’année suivante).
A noter aussi le fait que la fille commence à prier et à jeûner 5 ou 6 ans environ avant les garçons.(1)
Alors, si c’est une question uniquement formelle, quantitative, il n’y aurait pas une si grande différence au total entre les hommes et les femmes..
2epoint à noter, le fait-même que la femme s’abstient de prier et de jeûner pendant ses règles révèle déjà un certain degré de foi et de suivi de la Religion du Prophète Mohammed(s). C’est par obéissance à Dieu qu’elle s’abstient de prier et de jeûner dans ces circonstances et non pas par rébellion. D’ailleurs, tous les courants athées ou anti-islamiques voire même « modernistes » remettent en question le fait que la femme ne peut pas prier, jeûner et même avoir des rapports conjugaux pendant ses règles.
3epoint à relever, l’Imam ‘Alî(p) emploie le terme de « foi » ou « croyance » (îmân)(2), au singulier, qui qualifie plus un état de la personne que ses actes. Est-ce en tant que les actes révèlent un état de l’individu, de son for intérieur ? D’ailleurs, on peut remarquer que dans le propos rapporté du Prophète Mohammed(s), il est mentionné le mot (dîn)(3) « religion » qui qualifie plutôt des actes, une pratique.
Autre point. Peut-on dire que la foi se limite juste au fait de prier et de jeûner selon l’apparence ? Combien de propos rapportés des Infaillibles(p) mettent en avant d’autres conditions (comme l’intention, la présence du cœur) pour que les prières et le jeûne soient acceptés ? Combien de propos rapportés des Infaillibles(p) mettent en avant le fait que l’ostentation (ar-riyâ’), par exemple, annule la prière et le jeûne effectués. Les hommes en seraient-ils exemptés ? Peut-on, sur ce point (sur la quantité ou la qualité de la foi), faire une généralisation, avec d’un côté les hommes et de l’autre les femmes en manque de foi ou de religion ?
Ou est-ce pour répondre à ceux qui croient que s’il n’y a pas d’acte (quelle que soit la façon d’agir), il n’y a pas de foi ? Ou que dans la mesure où la prière est un moyen de renforcer sa foi, quand les femmes ne peuvent pas prier, leur foi ne se renforce pas ?
Certes, on peut constater qu’il arrive souvent qu’en période de menstrues, les femmes sont d’une humeur plus instable, qu’elles peuvent être plus émotives, plus sensibles, plus irritables, en plus d’avoir des maux de ventre (au point que le divorce proclamé en de telles circonstances est annulé). Est-ce que ce constat peut entraîner un manque au niveau de la foi, du suivi de la religion ? N’est-ce pas durant les épreuves, la maladie, la douleur, que la foi peut au contraire se renforcer ? On pourrait répondre à ces deux dernières questions par oui et par non..
Oui (pour la première) et non (pour la seconde) si la femme n’y prend pas garde et profite de cet état pour faire des excès (loin de la religion), laisser aller ses passions, justifier ses défaillances, etc..
Non (pour la première) et oui (pour la seconde) si la femme y prend garde et profite de cet état pour apprendre à se dominer, à s’éduquer, à faire du (jihad an-nafs), à faire preuve de patience et d’endurance.
De plus, durant ces périodes, rien n’empêche la femme d’effectuer d’autres actes d’adoration comme des glorifications, des invocations, de bonnes actions, etc. et même de s’abstenir de manger (imsâk) (sans avoir l’intention de jeûner pendant le mois de Ramadan, si cela ne lui fait pas de mal) avec l’intention de se rapprocher de Dieu.
Ne peut-on pas considérer ces périodes propres aux femmes comme justement des formes spécifiques d’épreuves pour elles afin de se perfectionner ? N’est-il pas rapporté que ces femmes qui ont pu atteindre un degré élevé de perfection (comme s. Fâtimah az-Zahrâ’(p) et s. Mariam(p)) étaient exemptes des menstrues bien qu’ayant enfanté (c’est-à-dire ayant dépassé cette étape d’épreuves) ?
Enfin, quels étaient les buts recherchés de l’Imam ‘Alî(p) en affirmant une telle généralité de cette façon, à propos d’une situation qui n’est pas voulue par les femmes ?
b)A propos de l’affirmation du manque des femmes au niveau des raisons (ou d’une raison)
(citée en troisième position au début du propos et reprise en deuxième dans la justification).
Il faudrait d’abord que l’on se mette d’accord sur le sens de ce mot (‘aql) (عَقْل)(3) traduit par raison (mais qui peut être aussi traduit par intellect, intelligence..), cité au pluriel par l’Imam ‘Alî(p) de façon définie (al-‘uqûl) (الْعُقُول) et au singulier de façon indéfinie par le Messager de Dieu(s) (‘aqlinn) (عَقْلٍ).
Doit-on comprendre ce mot dans le sens coranique (bien que cette matière n’y soit citée que sous la forme verbale)(4) ? Ou s’agit-il d’une de ses corroborations ? Comme dans ce propos rapporté du Messager de Dieu(s) caractérisant la raison ainsi : « Pas de raison comme la gestion [c-à-d le sens d’organisation]. »(5)
De même, pourquoi l’emploi du pluriel dans ce sermon, comme s’il s’agissait de quelque chose que l’on peut compter ? Est-ce comme cela est suggéré dans un autre propos du Messager de Dieu(s) : « Celui qui commet un péché, une raison le quitte, qui ne lui revient jamais. »(6) ?
La justification mise en avant, prise du noble Coran, fait allusion au témoignage (ash-shahâdat) pour certains types de contrats financiers (il ne s’agit pas ici d’allusion faite de façon générale, comme une règle universelle) qui impliquent certes une certaine compréhension de la situation en question mais aussi d’autres facteurs. De plus, le verset coranique cite le mot (fa-tudhakkira) (فَتُذَكِّرَ), c’est-à-dire une opération de rappel à la mémoire face à un oubli. Il y aurait dont là une faiblesse de mémoire et non pas de raison, de plus dans un domaine où elle n’est pas directement impliquée. N’en est-il pas de même pour les hommes ?
Si l’on énumère les facteurs qui peuvent intervenir dans le témoignage et qui peuvent le fausser, on trouverait qu’ils ne se résument pas qu’à une faiblesse de la raison mais comprennent aussi le fait d’avoir une vision partielle des choses ou d’être mal informé ; le fait d’être influencé par un élément affectif ; d’avoir des intérêts personnels dans la question ; de suivre ses passions pour un quelconque motif .. (sans parler de ceux qui mentent volontairement). Tous ces facteurs sont-ils propres aux femmes ? Ne concernent-ils pas aussi les hommes ? Les femmes, en général, seraient-elles plus sensibles à ces facteurs, plus vulnérables ? Les conditions de vie dans lesquelles elles vivent les rendraient-elles plus susceptibles à faillir à ces facteurs (comme le fait de rester à la maison, de s’occuper d’enfants en bas âge, de veiller à leur donner une affection particulière, à leur privilégier un milieu affectif adéquat) ? Quoiqu’il en soit, ce verset confirme que la femme est considérée comme un témoin potentiel.
A noter que le rappel, dans le noble Coran, de l’obligation d’apporter un juste témoignage, fiable, est valable pour tout le genre humain, homme ou femme.
(Suite de cette étude un peu plus approfondie dans le prochain numéro de la revue, in shâ’ Allah.
(1)Selon sh. Jawâdî Âmolî, c’est un honneur (ou dignité) qui arrive donc à la femme 5 ou 6 ans plus tôt qu’à l’homme (cf. Jamâl al-mar’at wa jalâlihâ, Dar al-kâtib al-kâtib al-‘arabî, p331).
(2)(îmân) (إِيِماَن) le fait d’atteindre la quiétude et la tranquillité en/par qqch, croire en ce à quoi est rattaché ce verbe (ce complément (l’objet de la croyance) pouvant ne pas être cité s’il est connu), croyance, foi.
(3)(dîn) (الدِين) nom verbal de (dâna) (dont l’idée fondamentale unique est la soumission et l’assujettissement (le fait de se plier) à un programme ou à des décisions déterminées (sans considération de la substance)) : ce qui arrive et est atteint, d’une origine extérieure, la soumission-même et le fait-même de se plier à des contraintes restrictives, sans rapport à soi. Il se différencie d’(al-millat) (المِلَّة) en tant que ce dernier indique une sorte de gêne et de limitation, et un mode de vie suivant des décisions [pouvant être justes ou fausses].
(4)(‘aql) (عَقْل) nom verbal de (‘aqala) (dont l’idée fondamentale unique est le fait d’identifier, de caractériser le bon ordre et la corruption dans le cours de la vie, matériellement et moralement, ensuite la maîtrise de soi en s’y tenant. De ses corollaires, l’abstinence, la réflexion, la bonne compréhension, la connaissance de ce dont la personne a besoin dans la vie, le fait de se prémunir par un programme juste et vrai, de se protéger des passions et des penchants) : raison, entendement, intellect, intelligence.
(5)(lâ ‘aqla ka-t-tadbîri) in Mustadrak safînat al-bihâr de sh. ‘Alî an-Namâzî ash-Shâhrûdî, vol.7 p318 (لاَ عَقْلَ كَالتَّدْبِيرِ)
(6)(man qârafa dhanbann, fâraqahu ‘aqlunn lâ yarji‘a ilayhi abadann) in Mîzân al-Hikmah, bâb adh-Dhanb, vol.3 p370 citant al-Mahajjah al-Baydâ’, vol.8 p160 ( مَن قَارَفَ ذَنْباً فَارَقَهُ عَقْلٌ لا يَرِجِعَ إِلَيهِ أَبَداً)
www.lumieres-spirituelles.net No115 – Ramadân-Shawwâl 1443 – Avril-Mai 2022
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