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2023-11-12 | Readers 771 | Share with your Twitter followers Share on Facebook | PDF

Le Coran et la femme de Amina Wadud


Le Coran et la femme

Relire le Coran du point de vue de la femme

Amina Wadud

Trad. de l’anglais par le Collectif Tulaytala   Ed. Tarkiz –  Tunisie – 1er Nov. 2020

Ce livre est, à l’origine, une thèse de doctorat consacrée à l’exégèse coranique du point de vue de l’expérience de la femme, soutenue aux Etats-Unis en 1992 et publiée en anglais en 1999(1)– d’où son style académique, parfois ardu, voire répétitif, rébarbatif par endroits.

En prenant comme objet d’étude le Coran et lui seul, elle exclut, de fait, la sunna du Prophète(s)et les sciences islamiques (qui se sont développées par la suite et qui ont eu, selon elle, pour résultat, une déconnexion entre le Texte et son intention).

Pourquoi spécifier ‘du point de vue de la femme’ ? C’est que toute lecture de texte est tributaire de ce que le lecteur véhicule en lui-même et que le fait que toutes les lectures du noble Coran ont été faites par des hommes a obligatoirement, selon l’avis de l’auteure, eu des conséquences sur la façon d’interpréter ce Livre, notamment sur la question de la femme.

Quant à l’auteure, une afro-américaine, fille de pasteur méthodiste, convertie à l’Islam en 1972, attirée par le message universel du noble Coran – quoiqu’alors lu en anglais – face à la situation prévalant alors aux Etats-Unis (discrimination raciale et sexiste, émergence du féminisme et du concept du genre(2)).

La démarcheque l’auteure va suivre, elle l’explique dans son introduction (et les deux préfaces présentes dans l’édition en français), une méthode d’étude utilisant des « outils d’exégèse modernes » en rupture avec les commentaires traditionnels de type analytique(3) ,justifiée par le fait que l’effort d’interprétation du Coran (al-ijtihâd) devrait être permanent. Ainsi, elle distingue ce qui est, dans le Coran, proprement historique conjoncturel (le con-texte de la révélation et celui social et culturel des personnages cités) de ce qui est universel, atemporel, en se basant sur l’Unicité de Dieu, la vision du monde et l’unité du Coran présente dans tous ses éléments ; elle fait une étude lexicale des mots du noble Coran en regardant leur usage dans tout le noble Coran, selon le principe d’interpréter le Coran par le Coran ; enfin, elle étudie les versets à travers le prisme du concept du genre(2), mettant en même temps en évidence comment les perceptions qu’a le lecteur de la femme influencent son interprétation du Coran.

1-Dans le 1er chapitre, elle démontre et affirme que le Coran est porteur d’un principe d’égalité entre l’homme et la femme du point de vue de leur essence. Aucun rôle, aucune fonction culturelle ne sont définis au moment de la création. Les mots alors étudiés de façon spécifique sont (ayat, min, nafs, zawj).

2-Dans le 2e chapitre, elle étudie les rôles représentés par les personnages féminins mentionnés(4)pour dégager la vision coranique de la femme dans le monde ici-bas, affirmant que le critère de distinction d’entre les êtres humains, auprès de Dieu, mentionné dans le Coran, n’est pas le sexe, mais la piété (at-taqwâ).

3-Le 3e chapitre aborde la dimension de l’Au-delà avec ses étapes depuis la mort jusqu’au Jugement et les Rétributions. Et tout comme au niveau de la création, il n’y a pas de différence entre les hommes et les femmes en tant que tels, il en est de même dans l’Au-delà, le critère de préférence étant la foi et les actes.

4-Vient le dernier chapitre où elle aborde les controverses relatives aux rôles et aux droits de la femme(5), selon ses critères d’étude de Texte(6). Si la femme se distingue de l’homme d’un point de vue biologique, cela ne veut pas dire que les charges qui lui incombent du fait de cette différence (comme le port de l’enfant, l’accouchement, l’allaitement) lui soient exclusives. Les mots alors étudiés sont (daraja) (cf.228/2 al-Baqara), (faddala) (cf. 34/4 an-Nisâ’) & (nushûz) (cf.34 & 128/4 an-Nisâ’, traduit par ‘interruption de l’harmonie conjugale’) dans les versets cités et dans tous les autres qui les emploient. Ainsi, elle déconstruit un grand nombre de clichés relatifs aux femmes musulmanes en démontrant qu’ils ne prennent pas leur source dans le Coran mais qu’ils sont liés à un certain mode de société, à un certain endroit, à un certain temps.

Après une brève conclusion, sont cités en annexe1-une liste des personnages féminins mentionnés dans le Coran(7); 2-une bibliographie (ses références étant exclusivement anglo-saxonnes et sunnites (en arabe)) ; 3-un index des principaux mots cités (un bref glossaire des termes arabes ayant été mis au début du livre).

Ce livre révèle un effort (louable) de chercher à connaître et à comprendre la Parole divine, en se donnant des moyens intellectuels estimables et en abordant la lecture sous un angle différent avec cependant le danger d’entrer dans les mêmes déviations critiquées, notamment en pratiquant l’avis personnel (ar-ray), en en faisant une règle exclusive d’approche et en se privant de toute référence au Messager de Dieu(s)et à ses Walîs(p)(se privant de fait de moyens d’approfondir sa réflexion et d’éviter les déviations, à la façon des Protestants. Aurait-elle, elle-même, été victime de l’influence de ses origines ?).

(1)avec comme titre (en faisant une traduction littérale) : « Le Coran et la Femme – une relecture du Texte Sacré à partir d’une perspective de femme ». A cette époque, l’auteure ne se définissait pas encore comme féministe, post-moderniste, islamiste. Même ! Elle refusait ces tendances..

(2)le genre déterminant l’identité de la personne, son rôle social spécifique, imposé par la société à la naissance en fonction du sexe biologique.

(3)cf. ses études faites en Egypte, à l’Université d’al-Azhar, pour la langue arabe et les études coraniques.

(4)avec une étude plus étendue de trois femmes citées (la mère de Moussa(p), s. Mariam, la reine Balqis) en tenant compte de leur contexte (social, historique), de la spécificité d’une fonction universellement acceptée pour la femme (mais non exclusive, comme l’accouchement) et des éléments grammaticaux (comme l’emploi du masculin et du féminin).

(5)telles les questions du divorce, de la polygamie, du patriarcat, du témoignage, de l’héritage, de l’autorité masculine, de l’éducation des enfants.

(6)1-Contexte de sa révélation avec la chronologie dans les réformes sociales, 2-Eléments grammaticaux, 3-Vision du monde.

(7)distinguant les femmes mentionnées avec très peu de détails à leur propos, celles qui réalisent certaines actions ou qui parlent et celles qui exercent une fonction unique du point de vue du Coran et de l’être humain – cependant aucune mention ou allusion à s. Fatima az-Zahra(p).

www.lumieres-spirituelles.net     No125 – Jumâdî I & II 1445 – Nov.Décembre.Janv. 2024

Citations* deLe Coran et la femme

†« Dieu merci, plus je menais des recherches dans un Coran libéré de siècles de lectures androcentriques et de préférences culturelles arabo-islamiques, plus j’étais convaincue qu’en islam, la femme est primordialement, cosmologiquement, eschatologiquement, spirituellement et moralement un être humain complet égal à tous ceux qui ont Allah pour Seigneur, Mohammed pour Prophète et l’islam pour din.»(pii)

†« Cet ouvrage est une analyse du concept de la femme à partir du Coran. Le Coran a été un catalyseur politique, social, spirituel et intellectuel dans la vie des communautés de la péninsule arabique. Son influence s’est étendue à une zone géographique très large en un laps de temps anormalement court. L’expansion de l’idéologie véhiculée par le Coran demeure jusqu’à nos jours dans toutes les zones où il s’est diffusé à l’exception de l’Espagne. Le Coran représente donc une force de « transformation du monde » qui doit être reconnue et comprise.»(pxv) 

†« L’importance du Coran réside dans sa transcendance temporelle et les valeurs éternelles qu’il exprime. En tant que tel, le contexte des communautés musulmanes ne s’est pas élevé au niveau du Coran. Ce n’est pas le texte qui a restreint la femme, mais ses interprétations auxquelles on a accordé plus d’importance qu’au texte lui-même. (…) La femme musulmane n’a qu’à lire un texte, non limité par des interprétations excluantes et restrictives, afin de gagner une émancipation indéniable. »(pxvii)

†« La première question à laquelle souhaitait répondre ce travail était de savoir pourquoi le Coran spécifiait les hommes et les femmes dans certaines instances (comme les croyants et les croyantes), tandis que dans d’autres, il utilisait une forme plus générique (Ô ceux qui croient ! )? D’après mon approche du Coran, chaque usage du masculin pluriel inclut les hommes et les femmes, de façon égale, sauf s’il se trouve des indications particulières le restreignant aux hommes seulement. »(p5)

†« Tous les versets contenant une référence aux femmes, soit seules, soit en conjonction avec une mention des hommes, ont été analysés en utilisant la méthode traditionnelle du tafsîr al Qur’an bi al Qur’an (interprétation du Coran par le Coran). Cependant, j’ai mis au point une variante particulière à cette méthode : chaque verset est d’abord analysé dans son contexte, ensuite dans celui de discussions relatives à la même thématique dans le Coran, puis à la lumière d’un vocabulaire identique et de structures syntaxiques similaires utilisées en d’autres endroits du Coran, puis à la lumière de principes fondamentaux du Coran et, enfin, dans le cadre de la Weltanschauung coranique, ou la vision du monde qu’il porte. »(p6)

†« L’homme et la femme sont deux catégories de l’espèce humaine auxquelles a été donnée une considération identique ou égale et qui ont été douées du même potentiel. »(p17)

†« Les rôles des femmes décrites dans le Coran s’inscrivent dans trois catégories : un rôle qui illustre le contexte social, historique et culturel dans lequel la femme mentionnée a vécu sans qu’il n’y ait ni critique ni apologie de la part du texte ; un rôle qui représente une fonction féminine universellement acceptée (comme l’allaitement ou la puériculture) auquel des exceptions peuvent être faîtes et qui sont faites au sein du texte même ; et un rôle qui introduit une fonction qui n’est pas spécifique à un genre, c’est-à-dire un rôle illustrant des œuvres humaines sur Terre et qui est cité dans le Coran pour exprimer une fonction spécifique et non pas le genre de celui qui en est l’auteur, qui s’avère en l’espèce être une femme.1 1C’est cet usage des personnages féminins qui sera l’objet de ce chapitre, parce que ces personnages montrent quelque chose d’important quant à la satisfaction de la finalité coranique de la guidance. »(p33)

†« Au contraire, il [le Coran] reconnaît le besoin des variations quand il affirme que la race humaine est divisée « en nations et tribus afin qu’elles puissent se connaître les unes les autres » (49:13). Ensuite, il donne à chaque groupe, à chaque membre du groupe, homme et femme, une récompense conformément à ce qu’il a accompli. »(p73)

†« Le Coran n’interdit pas à une femme d’avoir autorité sur d’autres femmes ou sur des hommes et des femmes. Cependant, on lit en filigrane une préférence du Coran pour que les tâches nécessaires soient réalisées en société de la façon la plus efficace. L’action d’un homme ou d’une femme dans une situation donnée ne sera jamais pareillement bénéfique. Forcer une société patriarcale, fut-elle moderne, à se soumettre au pouvoir d’une femme se ferait au détriment du bien-être et de l’harmonie de cette société. Cependant, choisir la personne la plus adaptée pour une tâche donnée est un processus dynamique. »(pp99-100)

*Nous rappelons que les citations sont des reproductions telles quelles de passages du livre, sans correction de notre part.

www.lumieres-spirituelles.net     No125 – Jumâdî I & II 1445 – Nov.Décembre.Janv. 2024


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